Prise d’un besoin pressant de « décompresser », la verte libérale Sanija Ameti a jugé bon de s’emparer d’une arme de tir et de viser une image de Marie et de l’enfant Jésus. Satisfaite d’elle-même et du résultat, elle a posté fièrement son œuvre sur les réseaux sociaux. Émotion…
Pour mesurer la portée du geste de S. A, il convient de se pencher sur le concept de symbole. À cette fin, une distinction doit être faite entre les termes « mot », « représentation » et « symbole ».
Considérons les mots « femme » et « enfant ». Ces termes, femme, et enfant, désignent une chose dans le monde, respectivement les entités femme, et enfant. Ils les désignent de la même manière qu’un doigt pointe un objet, à la seule différence qu’un mot vise un genre de chose et non pas une chose en particulier. La relation entre le mot et l’objet dans le monde est donc une relation de simple association.
La photographie d’une femme tenant tendrement un enfant dans ses bras, en revanche, ne désigne pas les entités femme et enfant, mais les représente. La photographie ne se contente pas de pointer les entités femme et enfant, elle en capture une occurrence singulière, et raconte un fragment de son histoire. Vision subjective de l’auteur, cette représentation est celle d’une femme et d’un enfant en particulier, de leur lien, et de leur état à un instant donné. La relation entre la photographie et l’objet qu’elle représente dans le monde est une relation d’échantillonnage spatio-temporel.
Un geste symbolique
Le symbole, lui, ne pointe ni ne représente une entité dans le monde. Il en porte la charge émotionnelle, affective, idéologique et spirituelle qu’une personne ou un groupe de personnes y attache. Le symbole est ainsi un objet synthétisant un récit collectif ou personnel complexe et puissant. La relation du symbole à une chose dans le monde est alors une relation d’incarnation pleine et entière.
Revenons à l’acte de S.A. et faisons une petite expérience de pensée. Imaginons que S.A. , ait écrit les mots « Marie » et « Jésus » sur un papier et les ait raturés haineusement. Ce geste aurait eu très peu de signification, puisqu’elle aurait tout simplement éliminé des « pointeurs », sans toucher leur cible, Marie et Jésus. Mais supposons que S.A. ait choisi une image de Marie tenant tendrement l’enfant Jésus dans ses bras, et l’ait déchirée rageusement. Dans la mesure où une telle image est la représentation du dogme de l’Immaculée Conception, la détruire revient à mépriser une croyance majeure du récit chrétien.
Mais S.A. a choisi une autre voie, cribler de balles les visages de Marie et de l’enfant Jésus, c’est à dire s’en prendre non pas à l’image en soi, mais aux protagonistes mêmes de l’image. Ces protagonistes, Marie et Jésus, symbolisent aux yeux des chrétiens, mais aussi de tous les profanes imprégnés de culture chrétienne, la foi en une certaine idée de l’humain, de sa dignité, et de sa valeur morale. Saccager de tels symboles relève, au mieux de l’ineptie crasse, au pire de la provocation nauséabonde.