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Pour les Chrétiens, l’Avent est un temps de préparation spirituelle à la venue du Sauveur. C’est aussi, pour les titulaires d’un compte bancaire, le temps des sollicitations financières de la part des œuvres de bienfaisance. Donner ou ne pas donner ? Telle est la question.

En matière de morale, de nombreux philosophes opèrent une distinction entre les devoirs moraux « parfaits et imparfaits », encore appelés « devoirs de justice et de charité » : Les devoirs parfaits sont les devoirs auxquels on ne peut manquer en aucune circonstance, alors que les devoirs imparfaits sont un peu plus souples, et tolèrent quelques écarts de la part de l’agent moral. Tout cela est très intuitif et appartient à notre quotidien. Il nous arrive d’esquiver habilement la visite à une grand-tante, mais certainement pas de vandaliser la voiture de notre voisin.

Mais où se situe le point de rupture entre ces deux types de devoirs ? Où mettre la limite entre un devoir auquel on ne peut déroger et un devoir qui le permet ? Et d’ailleurs, les devoirs imparfaits sont-ils vraiment des devoirs moraux ? Sur ces points, les philosophes s’écharpent volontiers.

Classiquement, deux types de devoirs sont immanquablement placés du côté des devoirs parfaits : Il s’agit, en premier lieu, des devoirs « négatifs » qui consistent à ne pas nuire à autrui, dans sa personne ou dans ses biens. Ne pas tuer, ne pas voler, ne pas blesser l’autre, sont des devoirs avec lesquels on ne transige pas. Un peu plus surprenant, « tenir ses promesses » est largement considéré comme un devoir parfait au même titre que les devoirs négatifs.

Les devoirs de la discorde

Plus disputés sont les devoirs « positifs », c’est-à-dire requérant une action de la part de l’agent. Il s’agit de devoirs de bienveillance, de charité, au nombre desquels se trouve le don. Ces devoirs ont été classés parmi les devoirs imparfaits par Emmanuel Kant. Selon lui, ils sont obligatoires, mais leur pratique n’est pas aussi rigoureuse que celle des devoirs parfaits. John Stuart Mill se montre un peu plus frileux : « donner », « aider », « sauver » sont certes des bienfaits, mais pas des devoirs au sens où ils peuvent être exigés de chacun de nous.

Le philosophe Peter Singer va beaucoup plus loin que ses prédécesseurs concernant ces devoirs positifs. Lorsque l’assistance à autrui est possible, que son coût est modeste pour l’agent moral, et ses gains élevés pour le bénéficiaire, elle est un devoir parfait. On ne saurait y échapper. Ainsi, pour Peter Singer, donner aux œuvres de charité, à la mesure de ses moyens, faire un chèque aux organisations d’aide aux plus démunis, n’est pas une option, mais une obligation morale incontournable.

Qu’en conclure ? La philosophie morale n’est pas une science exacte. Qui peut dire avec certitude ce que nous nous devons les uns aux autres ? Chacun a sa réponse, mais la vérité est du domaine de ce qui « est », non de ce qui « devrait être ». Alors, que nous donnions par devoir, par conviction, par intérêt fiscal ou pour toute autre raison, donnons !

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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