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Ils promettent de renvoyer les illégaux par millions, menacent courageusement de déclencher l’apocalypse nucléaire, répriment les oppositions par la force, exaltent l’ordre et la virilité, et se tiennent mutuellement en haute estime. On les appelle les hommes forts…

Il y aurait donc des hommes forts, des durs, ce qui n’est pas sans rappeler le surhomme du philosophe Nietzsche, cette étoile éclairant le reste de l’humanité. Mais comparaison n’est pas raison…

Dans une œuvre magistrale, Friedrich Nietzsche met en scène Zarathoustra, un prophète d’un genre nouveau. Zarathoustra ne vient pas aux hommes pour proclamer le Ciel, mais la Terre. Il ne s’avance pas pour annoncer le règne de Dieu, mais sa mort. Il n’a que faire de l’âme, mais célèbre le corps « grand et robuste ». Il ne se présente pas en sauveur de l’Homme, mais en annonciateur du Surhomme, un créateur en lieu et place du Créateur. Ainsi parle Zarathoustra.

Mais quelle est cette créature, plus éloignée de l’homme que l’homme ne l’est de l’animal ? Quel est ce surhomme venu « surmonter » l’homme ? Est-ce une espèce nouvelle, biologiquement plus évoluée ? A-t-il des pouvoirs et des capacités supérieurs ? Est-ce le fantasme d’un philosophe illuminé ? Pas exactement.

« Peux-tu te fixer à toi-même ton bien et ton mal et suspendre ta volonté́ au-dessus de toi comme une loi ? Peux-tu être ton propre juge et le vengeur de ta propre loi ? » demande Zarathoustra.

Dans un style grandiloquent et quelque peu exalté, Nietzsche prêche un homme débarrassé de sa croyance délétère en un au-delà qui n’est que pure conjecture. Il célèbre un homme libéré de sa culpabilité, « guerrier » de la connaissance, créateur de ses propres valeurs et surtout, chercheur inlassable de la vérité. Cet homme ne subit pas les injonctions de la religion : il ne « doit » pas, il « veut », et cette volonté l’affranchit de ses chaînes. Il est « solitaire » au sens où sa propre conscience le gouverne et l’exclut, de fait, du reste de la société.

Hommes forts ou bouffons ?

Alors, Netanyahu, Poutine, Trump, Xi Jinping, Orban et consort, ces hommes qualifiés de « forts », ces leaders puissants, jaloux de leur pouvoir, et pour certains, dictateurs impitoyables, ces hommes sont-ils des surhommes au sens de Zarathoustra ?

Pour commencer, notons qu’ils sont dits « forts » parce qu’ils se montrent durs avec les faibles, les sans-voix, les insignifiants. Ils les renvoient brutalement dans leur pays, les écrasent sous les bombes ou les utilisent comme chair à canon.

Tous affichent également un certain mépris pour la loi des hommes. De fait, ils s’en soucient à peu près comme d’une guigne, ce qui les rapproche un brin du surhomme. Mais d’autre part, tous dédaignent la vérité. Ils utilisent le mensonge avec une constance et un aplomb saisissants, dans le seul but de servir leur ego et leur pouvoir. Parole de Zarathoustra, ces hommes-là ne sont pas des surhommes, mais des « superflus » et des « bouffons tapageurs », que les hommes considèrent grands « parce qu’ils comprennent mal ce qui est grand… »

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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