Après le retrait de Joe Biden de la course à la Maison Blanche, Kamala Harris relève le défi ultime. L’un des enjeux de l’élection sera le droit à l’avortement pour les Américaines, un droit remis en question en 2022 par la Cour Suprême. Mais qu’entend-on par droit ? Explication.
Le droit s’entend de différentes façons. On évoque plusieurs droits distincts lorsqu’on parle du droit au logement, à l’éducation, ou à être remboursé pour un appareil dysfonctionnel sous garantie. Le premier est un droit minimal, négatif, le second est un droit positif, impliquant un devoir corrélatif, le dernier est un droit contractuel. Cette chronique, adresse le droit le plus élémentaire, le plus primitif, le droit minimal. Pour cela, nous nous en remettons au grand John Locke.
Selon Locke, la liberté est la condition première et fondamentale de l’être humain. Mais le philosophe, dans son « Traité du gouvernement civil », évoque également l’existence de « droits », sans en préciser la nature. Voyons ce qu’il en dit.
« Mais afin que personne n’entreprenne d’envahir les droits d’autrui, et de faire tort à son prochain, […], la nature a mis chacun en droit […] de punir la violation de ses lois »
Par « envahir les droits d’autrui », Locke entend « nuire à l’autre, par rapport à sa vie, à sa santé, à sa liberté, à son bien ». On comprend donc que l’homme a un « droit » à conserver sa vie, sa santé, sa liberté, son bien. Comment interpréter ce terme de « droit » ?
Pour commencer, le droit se différencie de la liberté en ce qu’il n’est pas un « état », mais un « objet » : L’être humain « est » libre, mais il « a » des droits. Il faut alors s’interroger sur le genre de chose qu’est le droit.
La nature du droit
Le droit est, d’après les termes de Locke, tout intérêt individuel fondamental, vie, santé, liberté, que la liberté d’autrui ne saurait bafouer. Ces intérêts premiers forment un obstacle à la liberté d’autrui appelé « droit ». Tout homme a donc des droits, c’est à dire, un ensemble d’intérêts privés de base, dont il peut exclure les autres et qu’il lui est permis de défendre.
Mais pour quelle raison la liberté d’autrui butte-t-elle si fortement sur la digue inébranlable des droits ? La raison est à chercher dans la nature même de la liberté. En tant qu’état, la liberté humaine sert un but essentiel : Le développement de tout individu dans ses dimensions physique, intellectuelle, émotionnelle etc. Si la liberté des uns nuisait aux intérêts fondamentaux des autres, elle serait en contradiction avec sa raison d’être, le déploiement de chacun à l’intérieur de ses propres capacités.
En première instance, le droit est ainsi l’exclusion d’autrui de son propre champ de développement. Dans cette acceptation minimale, nul n’est libre de porter atteinte aux droits d’autrui, mais nul n’est tenu non plus de les satisfaire. Le droit à l’avortement est alors la décision souveraine d’une femme à laquelle nul ne peut s’opposer, mais que nul n’est en devoir d’exécuter. La Cour Suprême rendra-t-elle ce droit aux femmes américaines ? Rien n’est moins sûr.