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« Il faut que Poutine réponde de ses actes ». Ursula von der Leyen, présidente de la commission européenne, entend traîner Poutine devant une cour pénale internationale. Soit. Mais de quels actes doit-on juger un homme confiné dans son palais depuis bientôt un an ?

Des actes de barbarie, des actes de terreur, ont été commis en Ukraine, et le sont encore. Ces actes ne peuvent rester impunis. Mais en quoi ces actes peuvent-ils être imputés à Poutine ? Pour le comprendre, intéressons-nous à la distinction entre responsable et auteur d’un acte criminel.

Un acte est une action située dans le temps et dans l’espace et commise par un sujet, son auteur. Par exemple, l’assassinat de John Lennon est un acte s’étant produit le 8 décembre 1980, à New York, et son auteur est Mark David Chapman. En juin 1981, Mark David Chapman a été reconnu coupable, soit auteur et responsable, de l’assassinat de John Lennon, et condamné à la prison à perpétuité. Mais quelle distinction fait-on entre l’auteur et le responsable d’un crime ? L’auteur du crime est celui qui l’a commis, son responsable est celui qui en porte le fardeau moral, c’est-à-dire, celui qui peut en être blâmé. Généralement, l’auteur coïncide avec le responsable., comme dans le cas de l’assassinat de John Lennon.

Mais il arrive que le responsable du crime soit distinct de l’auteur. Comment l’expliquer ? La responsabilité d’un crime suppose a minima que son auteur soit « libre » de le commettre. Par « libre », on entend ici la liberté au sens de l’absence de contrainte extérieure. Cette condition est nécessaire à l’établissement de la responsabilité, ce qui signifie que si elle n’est pas remplie, la responsabilité pleine et entière ne peut être établie.

La pyramide descendante et ascendante

La contrainte extérieure ne peut consister en un banal ordre non suivi d’effet, mais en une menace lourde pour celui qui la subit. Une arme pointée sur un soldat par son supérieur pour qu’il torture un prisonnier constitue une telle contrainte. Dans une pareille situation, le soldat est bien l’auteur du crime, mais il ne peut être tenu pour responsable de l’acte, ne disposant pas d’alternative soutenable en dehors de sa propre mort. Le fardeau moral du crime revient alors au supérieur ayant exercé la contrainte. Comme, bien souvent, lui-même est contraint par un plus gradé que lui, la responsabilité se déplace vers le haut de la hiérarchie et ceci jusqu’au point de prise de décision libre. Dans un système politique extrêmement verticalisé et violent tel que celui qui règne en Russie, la contrainte s’abat avec brutalité, du sommet de la pyramide du pouvoir vers sa base, tandis que la responsabilité remonte dans un mouvement contraire.

Alors oui, Poutine et autres Prigojine, Kadyrov et consorts, sont bien les porteurs du fardeau moral des actes de barbarie et de terreur commis en Ukraine, quand bien même ils n’en sont pas les auteurs directs. Ce poids est immense, mais ces hommes ont-ils seulement une conscience morale ?

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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