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Cela s’est passé le 3 septembre, à Pékin. Les trois plus grands autocrates de ce monde se sont donné rendez-vous devant un spectacle grandiose : Le défilé XXL de la puissance et de la technologie militaire chinoise. Satisfaction générale et promesse d’un nouvel ordre mondial.

En physique, le degré de désordre ou d’inhomogénéité d’un système est capturé par une grandeur spécifique : L’entropie. Imaginez. Vous avez un sac de billes et vous jetez les billes dans une boîte. Elles se répartissent n’importe comment dans la boîte. Le désordre est maximal. Mais si vous les empilez soigneusement dans un coin de la boîte, en laissent l’autre partie vide, alors, le désordre se réduit. Autrement dit, l’entropie diminue.

La deuxième loi de la thermodynamique énonce que, dans un système isolé, n’échangeant ni énergie ni matière avec l’extérieur, l’entropie ne peut pas diminuer. Ce qui signifie que vos billes en vrac dans leur boîte ne pourront jamais se ranger dans une moitié de la boîte sans un apport d’énergie. Mais cet apport d’énergie doit être lui-même structuré : Chauffer la boîte contenant les billes ne permet pas d’en diminuer le désordre, au contraire. Mais le travail mécanique d’une main disposant les billes selon un arrangement compact permet de l’ordonner.

Les états sont un peu comme des billes jetées dans une boîte. Il y en a de toutes les couleurs et de tous les types : Billes de verre, d’argile, d’acier, de la taille d’une perle, d’un calot, ou d’une boule de billard. Elles roulent, s’entrechoquent, et se brisent. Difficile de les ordonner, et pourtant, elles gagneraient tant à être rangées : Plus de pichenette, d’éclat, de casse, de bille de fer contre bille de terre…

S’ordonner ou subir l’ordre, telle est la question

De fait, un certain ordre mondial fragile et partiel existe, car les états ne sont pas des billes livrées aux seules lois physiques. Leur volonté de se structurer autour d’institutions internationales telles que l’ONU, l’OMC, le FMI et autres, permet d’amortir un tant soit peu les chocs entre billes. Problème : Ces institutions ne disposent pas d’une force structurée capable de maintenir l’ordre. Il est alors très tentant, pour un état puissant, d’incarner cette force structurante. Un tel état joue, en quelque sorte, le rôle de la main dans la boîte de billes. C’est ainsi que la puissance américaine a longtemps arrangé le tas de billes, largement à son profit.

Avec l’élection de Trump à la présidence, l’Amérique a décidé de se replier sur elle-même. D’autres puissances ou alliances comptent bien tirer parti de ce retrait pour se positionner en force de maintien de l’arrangement des billes. Parmi elles, la Russie et la Corée du nord, dont on comprend qu’elles entendent tirer dans le tas plutôt que l’ordonner, ou la Chine, grande prédatrice de billes, et qui avance les siennes avec la méthode et la froideur d’une administration disciplinée.

« L’amitié indéfectible » qu’entretiennent ces états ne laisse présager rien de bon au sujet de l’ordre mondial. Les autres billes devront apprendre à rouler droit, si elles échouent à se structurer…

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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