Skip to main content

Dans un discours daté de janvier, l’insoumis Jean Luc Mélenchon lançait une diatribe dont il a le secret : « Nous avons dans notre pays la pire des offenses : le premier milliardaire du monde est français ». Nous analysons pour vous l’offense en question.

La philosophie analytique ne se rengorge pas de belles phrases, ni de poésie. Au contraire. Disséquer avec rigueur un propos douteux relève de son « core business ». Monsieur Mélenchon n’est pas avare de ce genre de discours, ce qu’il a encore prouvé récemment. Selon lui, être milliardaire serait « offensant ». Ah, bon ?

L’offense est, à la fois, un acte commis par un agent, et le sentiment éprouvé par le destinataire de l’acte. L’acte offensant est une insulte indirecte à l’autre : il ne vise pas une personne de front, mais ses valeurs, ses croyances, ou ses choix, bref, tout ce à quoi cette personne peut s’identifier. Offenser quelqu’un, c’est donc l’atteindre en profondeur, dans ce qu’il a d’essentiel. L’offense est bien plus pernicieuse que l’injure, en ce sens qu’elle frappe sa cible sans la toucher. Elle est une gifle qui ne dit pas son nom. Illustrons ce propos : On peut dire à un homme passionné de maquettes qu’il est un crétin, ou que le maquettisme est une imbécilité sans nom. Dans les deux cas, l’homme est meurtri. Mais le premier propos sera considéré comme une insulte, alors que le second se limitera à une offense. La différence est de taille, car l’offense est parfaitement légale, quand la diffamation ou l’injure tombent sous le coup de la loi : telle est la ligne rouge qui sépare ces formes de manquement au respect d’autrui.

L’offensé Mélenchon

La « pire des offenses » relevée par monsieur Mélenchon n’est pas un acte. Il s’agit d’un fait, le fait que le premier milliardaire du monde soit français. Comment le comprendre ?

Une première hypothèse vient immédiatement à l’esprit. L’existence de milliardaires est une insulte à une valeur largement partagée : L’égalité. L’idée est que tous ceux qui soutiennent l’égalité des richesses se sentent offensés par la présence de milliardaires sur leur sol, parce qu’ils bafouent cette valeur par leur seule réalité. Peut-être… Mais quelque chose coince. Mélenchon crierait-il à l’offense si le plus puissant catholique du monde, le Pape, habitait en France ? Serait-ce une offense à tous les musulmans, juifs, et hindouistes du pays ? Non. Car le Pape, en soi, n’est pas une insulte aux autres croyances.

Mais laissons à monsieur Mélenchon le bénéfice du doute. L’existence en France de l’homme le plus riche du monde constitue peut-être un aveu offensant de la part des gouvernants de ce pays, un aveu du type : « Nous nous fichons comme d’une guigne du partage des richesses ! » Possible. Mais il est plus probable que cet aveu prenne la forme d’un constat d’échec : « Oui, le fossé se creuse dangereusement entre riches et pauvres, c’est pourquoi il est temps de repenser, sans démagogie ni crie d’orfraie, un système économique mondial défaillant ».

Rien d’offensant, en somme…

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

Leave a Reply