Bientôt Noël. Alors que certains appréhendent ce moment, d’autres s’en réjouissent longtemps à l’avance. Nos chères têtes blondes en sont ! Ont-ils écrit au Père Noël ? Croient-ils seulement à son existence ? Mais qu’est-ce qu’exister ? Une question abyssale…
Lorsque votre enfant vient vers vous avec cette question que vous redoutez « Le Père Noël existe-t-il ? », vous le prenez sur vos genoux et lui expliquez gentiment la mystification imaginée par les adultes. Le fait est que votre enfant touche du doigt l’une des plus grandes interrogations de la philosophie : Qu’y-a-t-il ? Qu’existe-t-il ? Qu’entend-on par « exister » ?
Bien sûr, la question de votre enfant est plus naïve que celle des philosophes. Il veut savoir si le Père Noël est fait de chair et d’os, s’il mange réellement les biscuits laissés à côté de la cheminée, et s’il vit au pôle Nord. En fait, votre enfant se demande si le Père Noël a le même genre de réalité que ses parents, une réalité d’être matériel et vivant. La réponse est simple : Dans le sens où les enfants entendent « exister », le Père Noël n’existe pas.
Bienheureux les parents face à cette interrogation ! Les philosophes, eux, se torturent l’esprit autour de ce sujet épineux. Bien sûr, l’existence au sens physique du terme est peu controversée. Il est admis que les protons, les fourmis ou la tour Eiffel existent. Exister dans ce sens, c’est être soumis aux lois physiques, chimiques, biologiques qui règlent le monde dans lequel nous vivons.
L’existence de l’abstrait
Mais quid des autres objets, les objets abstraits ? Les propriétés existent-elles ? La rougeur de la tomate, la rotondité d’un ballon, la dureté du diamant existent-elles ? Autre sujet : La justice, les idées, le langage, les structures sociales existent-elles ? Et que dire des nombres et des mathématiques en général ? Le nombre 2 existe-t-il ? Si deux vaches sont dans un pré, y-a-t-il deux vaches et un 2 dans le pré ?
L’ontologie est la science de l’existant. Sa tâche peut être vue de différentes façons. Pour le philosophe Willard Quine, par exemple, le but de l’ontologie est de délimiter clairement l’ensemble de l’existant et celui de l’inexistant. Il s’agit de classer les objets abstraits soit du côté de l’existant, avec les objets physiques, soit du côté de l’inexistant, avec les carrés ronds et les célibataires mariés. Une autre approche consiste à tenir pour acquis l’existence de toute chose, mais à catégoriser, voire hiérarchiser l’existant : Comment se subdivise la réalité, quel genre de chose en forme le fondement, et quel genre de chose en constitue les strates supérieures ?
Y-a-t-il des réponses à ces questions ? Pas certain… Elles exercent pourtant une fascination profonde sur les philosophes, parce que s’interroger sur la nature de l’existant est leur core business, sur les mathématiciens, parce qu’ils travaillent chaque jour sur un « existant » étrange, purement abstrait mais indépendant de l’esprit humain, et sur les physiciens, parce qu’ils font l’expérience quotidienne de « l’existence » de lois mystérieuses, structurant admirablement le monde physique.