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Mélanie aimait son tout nouveau métier d’assistante d’éducation. Sa vie a pris fin dans un collège ordinaire, poignardée à mort par un jeune de 14 ans. Il n’est pas question ici de délinquance. Il est question de violence, une violence inouïe, de la part d’un adolescent.

La violence s’entend en tant qu’acte, disposition, évènement ou phénomène. On parle de coup ou d’individu violent, d’orage de grêle ou de crise financière violente. La violence est le caractère de tout ce qui se produit ou agit avec intensité, dans un laps de temps assez court, et qui, le plus souvent, occasionne des blessures, des dégâts, ou de la destruction.

Une société violente est une société dans laquelle les actes et les évènements violents sont fréquents, voire usuels. Aujourd’hui, de nombreuses sociétés sont dites violentes, y compris en occident. Mais la violence en société n’est ni un acte, ni un ensemble d’actes, ni un évènement. Il s’agit d’un phénomène. Qu’entend-on par-là ? Le phénomène et l’évènement sont tous deux des choses qui « se produisent » dans le temps, mais la différence entre eux est subtile.

L’évènement se caractérise par trois éléments : son contenu, l’instant t, et le point p où il se produit. Ces éléments sont constitutifs de l’évènement, internes à lui. En outre, l’évènement porte sur une entité singulière, et non un type d’entité. Le phénomène se caractérise également par trois éléments, distincts de ceux de l’évènement : son contenu, les conditions de son apparition et les lois qui le régissent. Par ailleurs, le phénomène ne porte pas sur une entité singulière, mais sur un type d’entité. Comme l’évènement, il peut se produire en un instant t et un point p, mais ces éléments ne sont pas constitutifs du phénomène, ils lui sont externes. Illustrons ces propos.

Le « phénomène » violence

L’éruption du Vésuve ayant enseveli Pompéi en 79 après Jésus Christ, est un « évènement », parce qu’il concerne un volcan singulier, le Vésuve, et est localisé dans le temps et dans l’espace. En revanche, une éruption volcanique est un « phénomène » en ce qu’elle a trait à un type d’entité, un volcan, et non pas une entité spécifique telle que le Vésuve. Elle se produit lorsque certaines conditions géologiques sont réunies, par exemple lorsque la pression et la température atteignent un certain seuil, et obéit à des lois physiques.

La violence sociale est un « phénomène » précisément parce qu’elle concerne les sociétés en général, et n’est pas caractérisée par l’instant et le point où elle se produit. En tant que phénomène, la violence sociale apparaît sous certaines conditions et évolue conformément à des lois. La solution à la violence sociale passe alors par l’identification et la compréhension de ces conditions et lois, par exemple « la violence appelle la violence ». Toute tentative de faire reculer la violence autrement que par ce biais est vaine. On ne peut lutter contre une éruption volcanique, mais s’attaquer aux conditions de la violence sociale et comprendre ses lois est possible. En sommes-nous capables ?

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

2 Comments

  • Joelle Tosetti dit :

    Ton article est très prenant, bravo! Que penses-tu de l’influence de l’instant t lorsque c’est un adolescent qui commet ce genre d’actes ? Le fait que leur cerveau ne soit pas terminé et pas à même de gérer certaines émotions et justement temporalité comme les adultes ?

    • Isabelle dit :

      Merci beaucoup pour cette question. Contente que l’article t’ait plu. Il ne faut pas confondre « l’évènement » violence et le « phénomène » violence. Quand un jeune tue une surveillante à coups de couteau, il s’agit d’un évènement. Il est localisé dans l’espace et le temps et concerne un jeune et une surveillante en particulier.
      Mais quand ces évènements se produisent partout et en tout temps dans la société, il s’agit d’un phénomène, car il n’est localisé ni dans le temps, ni dans l’espace et concerne la société en général. On ne traite pas un phénomène comme un traite un évènement. Le phénomène, comme je l’ai dit, surgit dans certaines conditions, obéit à des lois (sociales en l’occurrence). Ces conditions et ces lois doivent être identifiées, indépendamment des évènements individuels. C’est le point important.
      L’évènement, lui, a une cause, et quand un jeune tue à un instant t, une personne P, il est important de trouver la cause de ce passage à l’acte. Mais le phénomène, lui, est bien plus complexe à maîtriser!
      Merci de me lire!

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