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Saurons-nous un jour toute la vérité sur les crimes de guerre commis en Ukraine, sur la disparition du petit Émile au Haut-Vernet, sur l’incendie de Notre Dame de Paris, ou sur la culpabilité de Caryl Chessman ? Une chronique à la recherche de la vérité sur la vérité.

Après son coup de maître daté de 1986 (« On Bullshit »), le philosophe Harry Frankfurt publiait en 2006 un essai intitulé « on Truth », soit « De la Vérité ». Un titre aussi prometteur avait de quoi susciter l’espoir du lecteur, celui de découvrir le Graal ultime de tout philosophe : La vérité. Quelle est sa nature, existe-t-elle seulement, est-elle atteignable ? Harry Frankfurt, pourtant, préférait s’étendre brillamment sur la valeur et l’importance de la vérité, dans un monde en proie au bullshit de tout poil.

Cet accent mis sur la valeur de la vérité s’est avéré déterminant pour avancer un peu plus loin, dans ces quelques lignes, sur les traces de la vérité.

La vérité est du domaine des faits, c’est-à-dire de la réalité. Les faits sont indépendants de l’existence humaine et du regard que l’humain porte sur eux. Le fait que l’eau soit formée d’un atome d’oxygène pour deux atomes d’hydrogène, par exemple, est totalement indépendant de l’existence humaine, ce qui signifie que sa composition ne changerait pas sans elle. Mais peut-on dire que la vérité existerait en l’absence de l’homme ? Cela semble étrange.

Imaginez la terre au temps des dinosaures, les forêts denses, la végétation luxuriante, les animaux occupés à se nourrir et à se reproduire. Quelle était la place de la vérité dans un tel monde ? Avait-elle une existence et un sens ? Pas tout à fait…

La valeur de la vérité et les faits de valeur

Si la vérité est du domaine des faits, elle n’est pas sans lien avec l’homme, et plus précisément avec l’esprit humain. La plus grande partie des faits sont sans valeur aux yeux des hommes. Le nombre de grains de sable sur la planète Terre, la couleur de la robe de Mme Thatcher le 21 juillet 1967, sont des faits purement anecdotiques. Mais certains faits ont de la valeur, et sont l’objet de quêtes acharnées : La rotondité de la Terre, ou l’innocence du capitaine Dreyfus, par exemple, sont des faits revêtant de la valeur en raison des enjeux à la clé. D’autres faits n’ont de valeur que pour un seul individu, le fait qu’un ami, par exemple, fût résistant et non collaborateur durant la guerre.

Cela nous ramène à la valeur de la vérité selon Frankfurt : La vérité serait-elle précisément un fait auquel est attribuée de la valeur ? Un fait d’utilité pour au moins un individu ? Un aspect de la réalité répondant à une interrogation pressante, ou présentant un intérêt particulier ? Si tel est le cas, alors la vérité n’existe pas en soi. Seul l’intérêt de l’homme, sa curiosité pour certains faits, sa recherche de réponse, élève certaines réalités au rang de vérités. Ainsi, en dehors des champs d’investigation et d’intérêt humains, il n’y aurait pas de vérité, rien que des faits.

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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