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C’est une vie brisée par la perversion d’un homme. Gisèle Pélicot était inconsciente lorsque son mari la livrait à des inconnus, à ses propres fantasmes et à l’opportunisme de dizaines d’hommes en quête d’une « aubaine ». Dix années de soumission chimique, une éternité…

Le verbe « soumettre » s’entend au sens transitif ou réflexif : On peut « se soumettre » à autrui ou « soumettre » autrui à soi-même. La soumission désigne alors l’état d’une personne s’étant soumise ou ayant été soumise par autrui. Mais en quoi consiste cet état de soumission ? La réponse est à chercher dans nos intuitions.

Imaginez. Dans un marché du travail totalement dérégulé, le taux de chômage est particulièrement élevé, disons qu’il atteint 25%. Dans ce marché, Alain recherche désespérément un emploi, et Bruno, employeur peu scrupuleux, lui fait une offre : Travailler 12 heures par jour, 7 jours sur 7, pour un salaire modique. Alain, qui n’a pas d’autre choix pour vivre, accepte la proposition de Bruno. Est-il juste de dire qu’Alain s’est soumis à Bruno ou que Bruno a soumis Alain ? Pas vraiment.

Autre situation : Christophe est un père possessif et despotique. Il règne sur sa famille par l’arbitraire et la sanction. Son fils craint ses éclats de voix, mais plus encore, il craint de perdre celui qu’il prend pour son protecteur. Dans cette atmosphère pesante, il fait tout pour ménager la susceptibilité de son père, et accepte sans broncher ses réprimandes. Peut-on dire que le fils est soumis à son père, ou que le père a soumis son fils ? Il semble bien que oui.

Accepter des lois ou endosser une volonté?

Ces deux situations sont similaires en un point : Dans les deux cas, une personne est en situation de pouvoir, c’est à dire en situation d’imposer sa loi à autrui. Bruno est en situation d’imposer ses conditions à Alain, parce qu’il a un emploi pour lui, et Christophe est en situation d’imposer sa loi à son fils, tout simplement par son statut de père. Mais alors, en quoi les deux situations décrites sont-elles foncièrement différentes ?

D’un côté, Alain accepte les conditions de travail imposées par Bruno, il se conforme aux règles posées par Bruno. Mais Christophe, lui, n’établit pas de règles. Il impose purement et simplement sa volonté à son fils, qui n’a d’autre choix, en tant qu’enfant, que d’endosser cette volonté.

Toute la différence est là : Accepter des lois ou une discipline, ne consiste pas à se soumettre, mais à se conformer à un cadre. En revanche, imposer par le pouvoir sa volonté à autrui, de sorte qu’il la prenne à son compte, ou accepter la volonté de l’autre et la faire sienne, revient à soumettre autrui ou se soumettre. La soumission n’est jamais un état souhaitable. C’est la perte de sa souveraineté, de son autonomie au profit d’autrui, c’est l’abandon de la part la plus importante de soi, sa volonté propre.

Lors de son procès, Le mari de Gisèle Pélicot a eu ces mots terribles : « Elle était totalement insoumise ». Il a choisi d’y remédier par le plus lâche des moyens : l’inhibition de sa volonté à l’aide de barbituriques.

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

2 Comments

  • Joëlle Tosetti dit :

    Nous rentrons du Maroc demain… Où la religion est très présente. Peut-on parler de soumission quand il s’agit de religion ? Qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes d’ailleurs. X prières par jour, sans quoi la menace de ne pas être sauvé,… Les enfants apprennent à chanter le coran en continu les deux premières années d’école,… J’ai enseigné à de nombreuses femmes musulmanes qui n’arrivaient pas à s’octroyer le droit d’apprendre, de se libérer, de se développer. Je me souviens d’une femme veuve qui est venue 3x à mes cours et n’a fait que pleurer pour finalement abandonner en étant sûre que, même si son mari était décédé, elle n’arriverait jamais à se libérer de cette emprise pour oser enfin apprendre à lire et découvrir le monde. Soumission, emprise, domination, pouvoir ?

    • Isabelle dit :

      Bonne question, Joëlle, mais difficile d’y répondre…Je pense que dans le cas de la religion, on ne peut pas invoquer la soumission à proprement parler. Une religion n’a pas de « volonté », une religion n’est pas un être dotée de volonté. Par conséquent, elle ne peut pas « imposer sa volonté » et on ne peut pas « adopter sa volonté ».
      En revanche, les personnes dépositaires de l’autorité religieuse, dans le cas d’espèce, les imams ou mollahs, sont en mesure de soumettre les individus, si ils sont en situation de pouvoir, c’est à dire en situation d’imposer leur loi. Dans un pays où la liberté de culte existe, ce pouvoir n’existe pas, mais dans un pays où une religion est imposée, alors, la soumission des individus devient une réelle possibilité.
      Merci de me lire et à bientôt sur mon site!

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