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Bientôt les élections européennes ! Pour cette occasion, le président Macron s’est offert une tribune à la Sorbonne. Le sujet valait bien un discours. Un mot est revenu 28 fois : La « puissance ». Mais qu’entend-on exactement par ce terme si rebattu ? Petit décryptage…

Qu’y a-t-il de commun entre Elon Musk, le supercalculateur Frontier, la morphine, le sprinter Usain Bolt, et l’ouragan Katrina ? A priori, pas grand-chose. En réalité, la puissance ! 

En physique, la puissance est définie comme la quantité d’énergie libérée (ou transformée) par un système, par unité de temps. Ainsi, est considéré puissant, un système capable de libérer une grande quantité d’énergie dans un laps de temps court. Une bouilloire qui chauffe 1l d’eau en une minute est deux fois plus puissante qu’une autre qui met le double de temps à le faire.

Plus généralement, la puissance est une grandeur qui rend compte de la capacité d’un système à cumuler un « effort » important avec un « débit » élevé. La puissance est la qualité d’un sprinter qui s’applique une force motrice considérable, avec une foulée très rapide. De la même façon, un ordinateur puissant peut effectuer des opérations complexes avec un flux élevé de données.

Dans le langage ordinaire, la puissance est souvent assimilée à la « force » ou à « l’efficacité » d’un agent. Ainsi, les mâchoires du crocodile sont dites puissantes car capables d’exercer une force de serrage d’une grande intensité. La morphine est également considérée comme un médicament puissant au sens « d’efficace », car capable de calmer une douleur intense.

La puissance selon Aristote

Mais qu’en est-il d’Elon Musk ou toute autre personnalité considérée comme « puissante ». Il n’est pas question ici de puissance physique, ni de force ou d’efficacité chimique. Pour mieux comprendre la puissance d’Elon Musk, il faut se référer à la définition de la puissance par Aristote dans la « Métaphysique » :

« On appelle « puissance » le principe du mouvement ou du changement, qui est dans un autre être ou dans le même être en tant qu’autre ».

La puissance est ainsi la faculté passive d’un existant d’être changé, ou sa faculté active d’en changer un autre. Le bloc de marbre est alors puissant de façon passive car il a la faculté d’être changé en statue. Mais le sculpteur est activement puissant dans le sens où il a la capacité de changer le bloc en statue par ses actes. C’est dans ce sens précis qu’Elon Musk est puissant : Dans sa capacité immense à changer l’ordre des choses dans le monde, par ses choix, son action, et même ses paroles. Sa fortune, ses moyens, et l’usage qu’il en fait, font de lui un homme capable de peser sur l’économie, l’environnement et la géopolitique.

Alors oui, il est grand temps que l’Europe devienne une puissance au sens physique, comme au sens philosophique : Une entité capable d’efforts industriels importants, dotée d’une force de défense autonome, et surtout apte à faire entendre sa voix et à promouvoir la démocratie. Pour cela, il faudrait qu’elle-même ait, tel le bloc de marbre, la faculté de se métamorphoser…

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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