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Une plainte pour agression sexuelle classée, une autre plainte pour viol encore en cours, Gérard Depardieu est toujours présumé innocent. Le public a peut-être son opinion, les organisations féministes la leur, mais la justice ne lâche pas ce principe fondateur.

La loi le dit très clairement : Avant toute condamnation, chacun a droit au respect de la présomption d’innocence. Mais que dit la présomption d’innocence ?

En premier lieu, elle ne dit pas que la justice « croit » l’accusé innocent. Elle ne dit pas non plus qu’elle le « croit » coupable. Pour une bonne raison : La justice ne « croit » pas, tout simplement. Croire, c’est adopter une attitude mentale précise face à un énoncé : C’est le tenir pour vrai. Par exemple, si Marie croit que les brocolis sont excellents pour la santé, alors Marie tient pour vrai l’énoncé « les brocolis sont excellents pour la santé ».

Or, la première tâche de la justice est la recherche de la vérité : La justice ne recherche pas un coupable ou un innocent, elle cherche à établir la vérité sur la culpabilité ou l’innocence d’un accusé. Croire qu’un accusé est coupable ou innocent, est incompatible avec la recherche de la vérité sur les faits qui lui sont reprochés, puisque c’est déjà tenir sa culpabilité ou son innocence pour vraie. La croyance ferme la porte au questionnement et à la quête intellectuelle.

Le doute sur la culpabilité

Mais si la présomption d’innocence n’est pas la croyance que l’accusé est innocent, alors quel genre de chose est-elle ? La présomption d’innocence est à peu de chose près la double négation de la croyance de l’innocence de l’accusé : Il s’agit du doute de la culpabilité de l’accusé. L’attitude mentale du doute est foncièrement opposée à celle de la croyance. Douter consiste à ne pas tenir une chose pour vraie, ni pour fausse. Il s’agit d’une attitude mentale inconfortable dans le sens où elle ne permet pas de décider ou de juger, contrairement à la croyance. La croyance que les brocolis sont excellents pour la santé, sont une bonne raison pour Marie de décider d’en manger.

En revanche, pour un être rationnel, le doute ne constitue pas une bonne raison d’agir, mais plutôt de questionner le monde alentour, de rechercher des faits, des données, en somme, de poursuivre la vérité. En ce sens, le doute, et donc la présomption d’innocence, est l’instrument indispensable à une justice impartiale.

Car à la fin, la justice prononce un jugement. La culpabilité ou l’innocence est prononcée au terme d’un processus destiné tout entier à lever ce doute originel. Et le seul moyen capable d’un tel aboutissement est la « preuve » : Par définition, la preuve est l’élément qui, face à une quête de vérité, permet de trancher, et par conséquent de juger. Jusqu’à ce point, le doute est non seulement autorisé, mais essentiel à l’accomplissement de la justice. Quel que soit l’accusé, quel que soit son statut, sa notoriété et les accusations qui sont portées, la recherche de la vérité dans toute sa rigueur est l’objet de la présomption d’innocence.

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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