L’élection du parlement européen en juin, des élections législatives en France et en Grande-Bretagne en juillet, et bientôt en Croatie et en Autriche. Que font ces parlementaires fraîchement élus ? Ils votent des lois. Mais au fait, c’est quoi une loi ?
Vous pensez que la loi est un texte voté par des élus et que la justice fait appliquer ? C’est juste, mais pour comprendre véritablement le concept de loi, il faut revenir loin en arrière, à « l’état de nature ».
L’état de nature a été théorisé, entre autres, par l’immense philosophe anglais John Locke. Dans son « Traité du gouvernement civil », John Locke imagine le monde tel qu’il a pu être à l’aube de l’humanité. Dans ce monde, l’homme est un être doté de raison, mais n’a pas encore constitué de société civile : Il se trouve à l’état de nature, c’est à dire, essentiellement libre. Ainsi, il cueille les fruits sur les arbres, chasse les animaux sauvages, se construit un abri là où il le souhaite, bref, organise sa vie comme bon lui semble, sans être contraint ni empêché.
Pour John Locke, la liberté forme le noyau dur de la condition humaine, une condition dans laquelle l’homme ne rencontre d’autre entrave à son action que ses propres limites. Mais la liberté est aussi un état de conflits, car les hommes se disputent un même refuge, cherchent à s’emparer du même territoire fertile, ou se livrent une guerre continuelle autour d’un point d’eau stratégique. Que se joue-t-il exactement entre ces hommes à l’état de nature ? Leurs libertés sont tout simplement conflictuelles, au sens où deux libertés illimitées ne peuvent coexister sans entrer en collision l’une avec l’autre. La liberté est ainsi tout à la fois un état premier et enviable, et un état incertain et insatisfaisant.
La loi, fin de la liberté?
Cette tension dans la condition humaine est réglée par la loi. Par essence, la loi est une limite posée à la liberté de chacun, au bénéfice de tous. La loi restreint l’étendue des faits et gestes individuels, afin que ceux-ci ne débordent pas sur ceux d’autrui. Telle est la mission et la raison d’être de la loi.
Certains y voient un joug insupportable, les libertariens et les anarchistes. Mais d’autres, comme Kant, y voient une chance pour l’homme. Dans son essai intitulé « Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolite », Kant se livre à une métaphore brillante. L’homme dit-il, est pareil à un arbre. Seul au milieu d’un pré, il ne se donne pas la peine de s’élever vers le ciel. Il croît à peine assez haut pour survivre, et s’offre même le luxe de se tordre ou de pencher de côté. Mais dans une forêt, où son espace est limité par ses voisins, l’arbre pousse aussi haut que possible pour capter la lumière. Il s’élance verticalement, produit du bois, s’enracine profondément, bref, donne le meilleur de lui-même.
Il en va de même pour l’homme. Dans une société civile, limité dans sa liberté par la loi et le respect d’autrui, l’homme se développe en hauteur et en droiture, et réalise son véritable destin.