Bientôt 16 mois que Poutine a lancé ses chars à l’assaut de l’Ukraine. Des dizaines de milliers de morts plus tard, des pluies de missiles après, il poursuit sa politique de destruction et n’en finit pas d’envoyer de jeunes recrues au charnier. Une fuite mortelle en avant.
Il vous est peut-être déjà arrivé de faire une grosse bêtise ? Pas de honte à cela, personne n’est à l’abri d’un impair. Mais que faire à la suite d’une bévue ? La fuite en avant est une alternative lourde de conséquences.
Faisons une expérience de pensée bien innocente : Deux amis, Vlad et Alex, partagent le même appartement. Vlad a acheté un pot de peinture carmin, et en l’absence d’Alex, il brûle d’envie de l’utiliser. Un pan de mur immaculé du salon fera l’affaire. Vlad se met à l’œuvre, et dix minutes plus tard, le mur est d’un rouge sang insoutenable. Une énorme bévue ! Vlad réfléchit un moment. Puis il reprend son pinceau et se met à peindre méthodiquement l’ensemble des murs blancs de l’appartement. À l’arrivée d’Alex, il pose fièrement devant son œuvre achevée.
Mais quelle mouche a piqué Vlad ? Son comportement semble totalement irrationnel. En réalité, il est d’une logique implacable. Explication.
Une des branches de la philosophie est la logique des propositions. Cette matière d’apparence assez austère permet d’argumenter avec une efficacité redoutable. L’un de ses outils est la « contraposée ». Le principe est le suivant. Prenons une phrase composée d’une implication entre deux propositions simples : « Si ceci est une plante, alors ceci a besoin d’eau ». L’implication « Si… , alors » traduit la relation de « suffisance » entre les deux propositions « Ceci est une plante » et « Ceci a besoin d’eau ». Autrement dit « Il suffit que ceci soit une plante pour que ceci ait besoin d’eau ».
La contraposée, ou comment justifier la poursuite des crimes
La contraposée de cette phrase composée est « Si ceci n’a pas besoin d’eau, alors ceci n’est pas une plante ». Elle est formée de l’implication inverse entre les deux négations des propositions simples précédentes. La magie de la logique est telle que si une phrase composée d’une implication est vraie, alors sa contraposée l’est aussi !
Mais quel rapport avec Vlad ? En voyant son pan de mur écarlate, Vlad se fait une réflexion : « Si ceci est une bêtise, alors j’arrête immédiatement ». Mais Vlad a de l’ego, et il redoute d’être pris pour un amateur. C’est à ce point que la contraposée surgit dans son esprit : « Si je n’arrête pas immédiatement, alors ceci n’est pas une bêtise ». Logique ! Et il se remet au travail !
Le mécanisme logique de la contraposée explique en grande partie de phénomène de la fuite en avant. Persévérer dans son erreur sert, en quelque sorte, de justification au fait qu’il ne s’agissait pas d’une erreur, avec pour sous-entendu « sinon, je n’aurais pas poursuivi ».
Errare humanum est, perseverare diabolicum. Cette citation latine semble faite pour Poutine. Sera-t-il traîné devant la justice humaine, ou comparaîtra-t-il au tribunal divin ? Nul ne le sait, mais sa fuite en avant diabolique pèsera lourd dans la balance de ses crimes.
Pour qu’une idée soit transcendante, généralement elle doit rester simple. Schrödinger a créé l’équation à son nom en l’espace de vingt pages. Bien que les implications de cette chronique soient (probablement) moins grandes, ce texte est d’une simplicité presque enfantine mais brillante. Dans la continuité de Schrödinger.
Ce commentaire m’honore, même si la comparaison avec Schrödinger est sans doute exagérée…
Oui, rester simple est mon ambition. Mais formuler une idée claire et juste (dans les grandes lignes) sur un thème complexe est un exercice exigeant.