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C’est une sombre histoire impliquant un ancien président de la République, son ami avocat, fidèle et influent, et un haut magistrat se voyant bien finir sa carrière à Monaco. Entre les trois se joue un jeu d’entraide réciproque. En réalité, de la corruption.

En quoi la corruption est-elle un mal ? La question peut surprendre.

Du point de vue de ses conséquences à l’échelle d’une société, il ne fait aucun doute que la corruption est un mal, en raison des pertes fiscales pour l’état, de la réticence des entreprises étrangères à s’implanter, et du détournement de fonds publics destinés à la population. En Calabre, le désastre de l’autoroute A3, surnommée « autoroute de la mafia », illustre bien l’infortune d’une société minée par la corruption. 

Soit. Mais, en soi, en quoi la corruption est-elle un mal ?

Dans une affaire de corruption, l’enjeu est généralement l’attribution d’un poste, d’un marché, d’une promotion, ou d’une note, bref de toute chose enviable pour un certain nombre d’individus. Le terme « attribution » désigne le processus de sélection, sur la base de critères préalablement établis, du candidat le mieux placé pour obtenir la chose enviable en question, cela parmi un ensemble de candidats. La sélection est réalisée par une instance ayant les compétences et le pouvoir de désigner le candidat remplissant au mieux les critères de sélection.

Le choix effectué par l’instance en charge de la sélection est le résultat du processus d’attribution. Deux alternatives se présentent alors : Le candidat correspondant le mieux aux critères est choisi à l’issue de la sélection, et, dans ce cas, le résultat est « juste ». Si, en revanche, un autre candidat ne correspondant pas aux critères est retenu, alors le résultat est potentiellement « injuste ». 

La corruption, ennemie de l’équité 

Prenons un exemple. Deux jeunes diplômés postulent pour le même poste d’ingénieur. Le premier réussit tous les tests demandés, et le second, aucun, mais ce dernier est retenu parce qu’il est de sexe masculin, alors que l’autre est une femme. Dans ce cas, le choix est effectivement injuste. La raison en est que le processus de sélection est discriminatoire vis-à-vis du genre féminin. La discrimination est l’une des grandes formes d’injustice dans les sociétés humaines.

Supposons maintenant que le second candidat est retenu, non pas parce qu’il est un homme, mais parce qu’il a grassement payé la personne en charge de la sélection. Il s’agit là de corruption. On comprend bien que, comme dans le premier cas, une injustice est commise, mais celle-ci n’est pas liée à de la discrimination. À quoi donc alors ?

Pour le saisir, il faut imaginer une finale de 100m sur laquelle l’un des champions démarre avec 50m d’avance. Ce coureur est évidemment largement avantagé par rapport à tous les autres, et ceci est totalement contraire à l’équité. La corruption est semblable à une telle course. Elle est un mal en ce qu’elle bafoue la justice à travers l’un des principes moraux les plus essentiels : Le principe d’équité, à savoir l’absence d’avantage ou de désavantage indu.

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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