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Considéré comme imprévisible, Trump fait honneur à sa réputation depuis son entrée en fonction en janvier 2025. Des décisions insensées, des voltes-faces inattendues, des menaces envers des alliés, et des cajoleries pour Poutine. Vous vous y retrouvez, vous ?

Qu’est-ce que la compréhension ?

Vous ne comprenez pas le chinois ? Demandez à une AI de vous traduire un texte écrit en mandarin, elle le fera aisément. Pourtant, une AI n’a aucune idée de ce qu’est un texte, un mot, une poésie, ou même une traduction. Elle peut décrypter un texte, mais elle ne comprend rien à celui-ci. Et pour cause, une AI ne comprend rien à rien !

Dans une célèbre expérience de pensée datant de 1990, le philosophe américain John Searle illustre magistralement ce que « comprendre » ne signifie pas. Imaginez. Vous vous tenez dans une pièce contenant des paniers pleins de caractères chinois, et un livre listant ces symboles et leurs règles d’utilisation (dans la réalité, ces règles s’avèreraient très complexes, mais une expérience de pensée suffit à la démonstration de Searle). Depuis l’extérieur de la pièce, une personne parlant couramment le chinois vous transmet des messages écrits à l’aide de ces caractères. Muni de votre manuel et de vos symboles, vous formulez des réponses compréhensibles et appropriées aux questions. Votre interlocuteur n’y voit que du feu, et pense converser avec un sinophone. En réalité, vous n’avez aucune idée de ce que vous recevez et répondez !

Et pour cause ! Contrairement à votre interlocuteur, vous ne mettez aucun sens sur les caractères chinois. Pour vous, ces caractères sont vides de tout contenu, ils sont purement formels, parce que vous ne les rattachez à rien dans le monde. Le sinophile, de son côté, voit défiler dans son esprit le vert des prairies, le rouge des fleurs, la transparence de l’eau. Le symbole « chaleur » évoque en lui les rayons de soleil sur sa peau, ou le goût du thé brûlant en hiver. Et le caractère « tristesse » lui rappelle la perte d’un ami cher.

Compréhension et conscience

Pour une AI, rien n’est beau, rien n’est triste, rien n’est surprenant ou drôle. D’ailleurs, rien n’existe, tout simplement. Car l’AI n’a aucun accès sensible au monde, n’a aucune biologie, et donc aucune conscience de ce qui existe, du temps, ou de l’espace. L’AI peut simuler un discours humain, mais elle ne duplique pas un humain, explique Searle. Elle peut expliquer des concepts complexes, car elle excelle à manipuler des zéro et des un, mais elle est incapable de les comprendre. La compréhension est une expérience vivante, le point de vue subjectif d’un organisme chargé de ressenti, d’émotions, d’une idée du monde, bref, d’une conscience.

Alors, peut-on comprendre Donald Trump ? Peut-on comprendre sa brutalité, sa grossièreté, son narcissisme, sa cupidité ? Ces ingrédients, pris séparément, font partie de notre expérience humaine. Mais le degré qu’ils atteignent chez le président américain, et leur interaction, forment un ensemble presque dénué de sens aux yeux d’un humain ordinaire…

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

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