En 2022, R. Mc Gregor, spécialiste de l’Asie, écrivait : « S’il fallait une preuve que la loyauté l’emporte sur la méritocratie dans la Chine de Xi, la promotion de Li Qiang en est une ». Ce constat s’étend à tous les régimes autoritaires, et, aujourd’hui, à l’Amérique de Trump…
Lors de son procès à Jérusalem, en 1961, l’ancien officier SS Adolf Eichmann fut décrit par l’un des témoins de la défense comme vouant une « admiration sans limite et immodérée » à Hitler, ce caporal suppléant devenu chancelier du Reich. Lui-même, sans formation, sans diplôme, était parvenu au grade « prestigieux » d’Obersturmbannfürher, grâce à son zèle et sa loyauté sans faille envers le führer, via le système hiérarchique nazi. La philosophe Hannah Arendt a décrit ce phénomène, sans vraiment l’expliquer, dans son célèbre essai « La banalité du mal ». Mais comment comprendre une telle loyauté de la part d’un homme immoral envers un criminel effroyable ?
La loyauté est souvent confondue, à tort, avec la fidélité. En réalité, les nuances sont nombreuses entre ces deux conduites humaines. La fidélité s’apparente à une constance dans le temps concernant un engagement, un sentiment ou une opinion. En ce sens, la fidélité est la disposition d’une personne à ne pas varier au gré des circonstances, et à entretenir des relations stables avec les choses ou avec les êtres vivants. Ainsi, on peut être fidèle à sa marque de shampoing ou à son banquier…
La loyauté, un fait psychologique
La relation de loyauté unit strictement deux individus et est unilatérale. Elle se joue de façon subtile et verticale d’un « disciple » envers un « maître ». Le maître apparaît comme un élément structurant et fondateur de la personnalité du disciple : Il lui a montré la voie, a reconnu ses qualités, et surtout, lui a donné sa confiance. Cette confiance est la clé du lien de loyauté qui unit alors le disciple à son maître : Elle ne peut pas être trahie, car la bafouer reviendrait à s’annihiler soi-même. La loyauté est ainsi ramenée, non pas à une disposition, une qualité intrinsèque du disciple, mais à un fait d’ordre purement psychologique. Dès lors, et contrairement à la fidélité, elle n’est ni bonne, ni mauvaise, la psychologie n’étant pas commandée par la morale. La loyauté n’est pas une vertu!
L’attachement du disciple à son maître n’a ainsi aucun fondement moral, au sens où le jugement moral n’entre pas en ligne de compte dans le lien de loyauté. La loyauté envers un criminel, telle que celle d’Eichmann envers Hitler, n’est pas rare, elle est même un fait commun dans les milieux mafieux, les cartels de la drogue, ou au sein d’organisations terroristes.
Alors, faut-il s’émerveiller devant la loyauté des Lavrov, Peskov, Medvedev, Wiles, Witkoff, Kushner et autres courtisans des grands de ce monde ? Aucunement ! Au fait, sont-ils loyaux envers ceux qu’ils servent, ou, plus prosaïquement, attachés à leurs propres intérêts ? Peu importe. Ils ont des yeux pour voir, un esprit critique pour penser, et la liberté de décider. Ils sont et seront comptables de leurs actes.