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C’est un projet fou (et un peu mercantile), dans lequel s’est lancé l’américain Bryan Johnson : Ne pas vieillir, voire rajeunir. Le fantasme de la jeunesse éternelle est banal. Mais il questionne un sujet sensible dans les sociétés modernes : La vieillesse, c’est quoi ?

Les êtres humains, sont des entités spatio-temporelles : Ils existent dans le temps et dans l’espace, et pour cette raison, ils font l’expérience du changement.

Parmi la foule de changements dont les humains font l’expérience, l’un d’eux est universel : Le passage de la jeunesse à la maturité, puis à la vieillesse. Ce processus ne connait pas d’exception, de sorte que chacun est susceptible de devenir, ou est déjà, « vieux ». Mais en quoi se caractérise la vieillesse ?

Un fait semble certain à propos de la vieillesse : elle est l’antithèse de la jeunesse. Or, la jeunesse entretient une certaine proximité temporelle avec la naissance. Un enfant ou un adolescent sont jeunes, car encore tout proches de leur apparition sur terre. La jeunesse se caractérise alors par la découverte du monde, le développement des capacités de vie en société, et l’expérience permanente de la nouveauté. Les changements sont intenses et spectaculaires durant cette période car l’être humain doit passer du stade de petite créature sans défense, à celui d’adulte armé pour se mouvoir dans un monde complexe et compétitif.

Par la suite, à l’âge adulte, l’être humain entre dans une phase de plus grande stabilité, durant laquelle l’apprentissage se poursuit à un rythme plus lent. L’heure est à la valorisation du savoir et des compétences, et à la construction d’une vie relativement organisée. Durant cette période, les changements se produisent à une fréquence moins élevée et sont plus ou moins positifs, selon qu’il s’agit de l’achat d’un logement, d’une promotion professionnelle, d’un divorce, d’un déménagement ou d’un accident de voiture. Quels qu’ils soient, ils participent au façonnement de l’individu.

La lutte contre le changement

Mais il arrive un moment où les changements prennent une nouvelle tournure : La nouveauté ne prend plus la forme de l’apprentissage et de l’émerveillement, ni de la course à la performance, mais de l’accumulation de petits ou grands désagréments. Une vue qui baisse, des douleurs articulaires, un foie fatigué. Tous les individus ne sont pas touchés au même titre, mais pour tous, les changements deviennent synonymes de diminution. Vient alors le temps de la préservation. Face à une nouveauté qui n’apporte plus rien de positif, la seule solution consiste à se conserver. Le philosophe Martin Heidegger exprime cette idée avec la plus grande clarté :

« Toute vie qui se borne à la pure conservation est déjà déclin »

Retour à Bryan Johnson. Cet homme consacre l’intégralité de son temps et une grande partie de sa fortune à éviter toute dégradation fonctionnelle. Son projet consiste à se préserver méthodiquement du déclin physique. Paradoxalement, ce combat acharné contre le changement signe son entrée dans la troisième et ultime étape de sa vie…

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

2 Comments

  • Joëlle Tosetti dit :

    Est-ce qu’il a des enfants? Selon moi, quand on a des enfants, on vieilli avec plaisir, car on les voit grandir… Et le temps prend une autre dimension. Même si je devais disparaître demain, ma vie aura été tellement riche grâce à eux notamment que je n’aurai aucune peur et aucun regret.

    • Isabelle dit :

      Oui, il a des enfants. Il a coupé les ponts avec une partie de sa famille, mais l’un de ses fils est revenu vers lui. Son projet a plusieurs dimensions: Une dimension scientifique (ou pseudo scientifique) dans la mesure où il compte faire bénéficier l’humanité de ses « avancées », une dimension mercantile puisqu’il a un site en ligne où il vend fort cher les nombreux compléments alimentaires qu’il prend, et une dimension que l’on pourrait qualifier de chimérique, au sens où il croit sincèrement pouvoir éviter le vieillissement (peut-être pas la mort quand même). La place qu’ont ses enfants là-dedans est quasi nulle, je pense. Il poursuit un but très personnel, qui a à voir avec sa propre perception de la vie et du vieillissement, vieillissement qu’il ne voit que sous l’angle de la diminution des capacités physiques. Il semble que la dimension intellectuelle, affective, sociale, cognitive du vieillissement n’occupe aucune place dans sa compréhension de la vieillesse… Dommage.

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