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La très provocatrice député française, Sandrine Rousseau, a récemment jugé bon de proclamer l’existence d’un ‘droit à la paresse’. Émoi de toutes parts… Mais pourquoi l’association de ces deux termes passe-t-elle mal ? Décryptage à partir du concept de paresse.

La paresse est le dernier des sept péchés capitaux, ce qui n’augure rien de bon la concernant. Philosophiquement parlant, la paresse n’est ni une aptitude, ni un sentiment, ni une émotion, mais une ‘disposition’, ou plus exactement ‘l’absence d’une disposition’ : la disposition à l’effort. Être paresseux, c’est être réfractaire, voire carrément impropre à l’effort.

Mais qu’est-ce que l’effort ? En mécanique, l’effort désigne une contrainte ou un ensemble de contraintes appliquées à un système, lequel exerce une résistance à cet effort, jusqu’à son éventuelle rupture. Transposé à la conduite humaine, l’effort est la mise en œuvre d’une force mentale ou physique en vue de vaincre une forme de résistance extérieure ou intérieure. Par exemple, se lever tôt le matin est souvent un effort, dans la mesure où le corps et l’esprit s’opposent à une telle ‘violence’.

Rien ne vient de rien

L’effort est parfois inutile, mais jamais gratuit : parce que l’effort est coûteux en énergie, celui qui l’entreprend en attend un bénéfice, égoïste ou altruiste. Plus précisément, le rapport bénéfice / coût doit être supérieur à un, pour qu’il soit rationnel de l’envisager. Il ne viendrait à l’idée de personne de gravir l’Everest pour y récupérer un simple bouton tombé de son anorak : un tel effort serait totalement disproportionné en regard du maigre résultat escompté. Ce rapport bénéfice / coût de l’effort constitue le moteur essentiel de toute l’histoire du progrès humain. De tous temps, les hommes ont cherché à maximiser le bénéfice procuré par unité d’énergie fournie, dans une optique d’efficience. Autrement dit, l’effort présente d’autant plus d’attrait qu’il permet de dégager une forte plus-value, et cette quête de plus-value participe à la construction du progrès : elle est à la base des découvertes médicales et scientifiques, et anime tout esprit ingénieux et curieux.

 Mais revenons à Madame Rousseau et à son ‘droit à la paresse’. Madame Rousseau n’a rien inventé. En 1880, Paul Lafargue publie un manifeste intitulé ‘Le droit à la paresse’ dans lequel il dénonce le travail harassant et interminable des ouvriers du 19èmesiècle. Que Madame Rousseau, à l’instar de Lafargue, entende par ‘droit à la paresse’, une aspiration à la disparition de tels efforts à faible plus-value, est parfaitement compréhensible. Mais il n’est pas exclu que sa compréhension du droit à la paresse soit différente. Si Madame Rousseau entend par là, le droit de ne fournir aucun effort tout en retirant des bénéfices, elle sabote l’équilibre bénéfice / coût de l’effort, auquel l’humanité doit tant, et dont dépend son futur. Elle méprise également un fait établi de longue date, et jamais démenti : ‘ex nihilo nihil fit’.

Isabelle Schönbächler

Isabelle Schönbächler est diplômée en Physique et Philosophie. Dans ses chroniques, elle mêle actualité et concepts philosophiques.

2 Comments

  • Birgit dit :

    Très amusant ce blog qui prend au mot une député et son petit slogan. Malheureusement, nous sommes trop souvent dupe de ce genre de discours. Alors je t’encourage à continuer avec ces éclaircissement!

    • Isabelle dit :

      Merci pour ce commentaire très encourageant! Sandrine Rousseau est coutumière de ce genre de propos provocateurs et, somme toute, assez creux. Ils ne résistent pas à une analyse un peu rigoureuse.
      N’hésitez pas à me proposer des thèmes qui vous intéressent, et à bientôt sur ce blog!

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